Interview donnée au Standard Magazine, n° Esotérisme et Spiritualité. Tu crois quoi ? Juin, Juillet, août, 2006.
Pouvez-vous vous présenter ?
J’ai été psychologue clinicien hospitalier pendant dix ans. J’exerce la profession de Maître de conférences en psychologie sociale et clinique à l’université Charles De Gaulle-Lille3. Je suis membre statutaire d’un laboratoire de recherche du CNRS. J’étudie le phénomène des sectes depuis 1975, année où j’ai commencé ma thèse sur les Témoins de Jéhovah sous la direction de M. Jean Séguy. Je suis ensuite passé à l’étude des Églises de guérison (celles qui pratiquent le traitement spirituel des maux physiques et psychiques). J’ai passé une habilitation à diriger des recherches sur ce thème qui m’occupe toujours.
J’ai été conduit à m’intéresser à la polémique sur les sectes car je voyais mon nom cité comme apologiste des sectes ou comme membre de tel ou tel mouvement religieux. En lisant des sites internet ou en prenant connaissance de propos tenus à mon égard, j’ai appris que j’étais scientologue, ce que j’ignorais. Je dépose régulièrement une plainte en diffamation contre X pour cette accusation. J’appartiens au conseil d’administration de Human Right Without Frontiers int. J’ai publié religions de guérison au Cerf, Croire et guérir chez Dervy, Les Antoinistes chez Brépols et la Christian Science chez Elledici (Italie). Je suis auteur de nombreux articles parus dans des revues scientifiques et j’ai participé à de nombreuses conférences dans des colloques nationaux et internationaux.
Doit-on toujours parler de secte ou doit-on parfois employer le terme de « Nouveaux Mouvements religieux ? Existe-t-il une différence concrète ? pourriez-vous donner un exemple précis ?
R.D. : Le mot secte a un sens précis en sociologie depuis Troeltsch et Max Weber. Il correspond à un type de mouvement qui possède certaines caractéristiques. Des sociologues ont préféré l’expression : Nouveaux mouvements religieux pour éviter le mot secte considéré comme péjoratif et peut-être pour insister sur la nouveauté supposée de certains mouvements. Des sectes nées au 19 me siècle ont ainsi été baptisées : nouveaux mouvements religieux alors qu’elles se situaient parfois dans la veine millénariste de l’effervescence religieuse du Moyen Age. La nouveauté est dans la tête de ceux qui ne connaissent pas l’histoire religieuse et qui trouvent que tout est nouveau. On peut prendre un exemple : le raëlisme qualifié de nouveau reprend le mythe du Cargo-cults (Ils attendent les êtres venus d’une autre planète qui apporteront une science beaucoup plus avancée que la nôtre pour guérir et donner l’immortalité comme certains peuples attendaient des bateaux blancs qui apporteraient la richesse). Il reprend des idées platoniciennes sur le gouvernement des hommes) ainsi que la vieille thèse de la plausibilité des mondes habités. On pourrait aller plus loin dans la recherche des légendes de base ou des théodicées anciennes sur lesquelles sont fondés des dits NMR. Comme le disait un collègue anglais, on peut se demander si on n’a pas affaire à du vieux vin dans de nouvelles outres. Placer tout les mouvements sous l’étiquette de « sectes » ou de nouveaux mouvements religieux montre simplement que l’on ne connaît pas les typologies proposées par les sociologues : Eglise, secte, dénomination, groupes métaphysiques, « cults » (impossible à traduire). J’ai proposé de placer ces types sous l’expression générique : groupe religieux minoritaires dans un cahier déjà ancien (1992) du bulletin « Mouvements religieux » dirigé par Bernard Blandre. Cette appellation n’est pas une panacée mais elle met l’accent sur la mentalité de minoritaire en religion. Toutefois, je tiens à la notion de secte qui est utile pour qualifier certains mouvements et, pour moi, ce n’est pas péjoratif. Certains proposent actuellement l’expression « groupes religieux controversés ». Cela ne les distingue en rien de toutes les Églises, de tous les partis politiques, de toutes les institutions financières et industrielles qui sont controversés. Pour certains l’Eglise catholique est controversé en raison des actes pédophiles commis par quelques ecclésiastiques, qui ne représentent pas toute l’Eglise. On sait que la franc-maçonnerie a été controversée à cause de scandales financiers commis par quelques francs-maçons avérés ou supposés.
Lire l’article complet…