Régis Dericquebourg
Les adeptes du Christ de Montfavet. Vers la résurgence d’un culte ou la transformation d’un groupe religieux minoritaire en un cercle de pensée ?,
Numéro 15 – février 2008.
Introduction
L’Alliance Universelle se situe dans le courant des adeptes du Christ de Montfavet. Ce mouvement m’intéresse à double titre : d’abord parce que c’est un mouvement guérisseur, ensuite parce que l’Alliance Universelle est la troisième manifestation sociale de la spiritualité de Georges Roux dit « le Christ de Montfavet ». Elle succède à l’Église Chrétienne Universelle qui succédait à l’Agence Chrétienne d’Information, qui, elles-mêmes ont présenté différentes formes. Elle offre donc un exemple de recomposition interne d’un courant religieux. Je vais faire quelques remarques sociologiques à partir d’une étude en cours en m’attardant sur trois mutations dans le Rouxisme : celle de la carrière du fondateur, celles des recompositions du courant qui s’est créé autour de l’enseignement rouxien, celles des charismes qui légitiment ce dernier. En me centrant sur ces aspects, je suis conduit à écarter des questions intéressantes qui portent sur le contenu de la doctrine du fondateur, sur ses parentés avec d’autres mouvements religieux, sur le régime alimentaire préconisé et ses rapports avec l’histoire des régimes alimentaires de l’entre-deux-guerres et des années cinquante et sur celles du sens de l’universalisme religieux que revendique l’Alliance Universelle.
Georges Roux (1903-1981), l’employé des postes, l’artiste, le mystagogue et le prophète
Les adeptes du Christ de Montfavet ont été peu décrits. Du point de vue documentaire, seule une notice qu’on peut qualifier de travail sérieux (bien que bousculant parfois la chronologie) rédigée par Gérard Dagon, parue dans Petites Églises de France (1968) et un article de leur revue Messidor (donc ad Intra) sont à notre disposition. Pour le reste, quelques biographies (Cornuault, 1978) sont des caricatures qui font de G. Roux un personnage excentrique et controversé à cause de décès survenus dans son cercle de consultants. Elles ne permettent pas l’analyse sociologique. D’autre part, Georges Roux a évoqué son itinéraire spirituel qui s’étend de sa formation religieuse catholique jusqu’à sa vocation prophétique mais il s’agit d’une autobiographie mettant en perspective un cheminement spirituel. Il faut donc poursuivre le travail de Gérard Dagon. La seule aide dont je dispose pour l’instant est celle de Jacqueline Roux et de mon intermédiaire, un journaliste que j’ai sensibilisé à l’investigation sociologique. Il est difficile de leur faire parler de G. Roux car la thèse officielle est qu’en tant qu’homme, il n’est rien du tout et qu’il ne faut pas s’y attarder. J’espère trouver des informateurs qui ne soient pas seulement ad intra. Du point de vue du recueil des données, j’ai fait deux entretiens avec la fille du prophète, j’ai lu les ouvrages de G. Roux, j’ai assisté à l’une de leur assemblée dite « communion de l’esprit ». J’ai passé quelques jours à la « Préfète », l’habitation de Georges Roux aujourd’hui occupée par sa fille, où j’ai pu consulter sa bibliothèque.