Sociologue des nouvelles spiritualités
Exposé au colloque : Dynamiques religieuses et groupes minoritaires en France. Les minorités à l’épreuve des normes : autocompréhension, marginalité, visibilité. 12-13 novembre 2012. Strasbourg (salle Alex Weill, 5ème étage, Faculté de droit de Strasbourg.
Chez le sociologue Henri Desroche (1914-1994), l’expression « religion de contrebande » désigne les mouvements religieux porteurs d’une contestation socioreligieuse qui les met en conflit avec la société globale ou avec des instances de domination de la société. Par cet aspect protestataire, ils se différencient des Eglises établies globalement attestataires selon un des critères de distinction entre la secte et l’Eglise utilisé par Troeltsch. Henri Desroche l’évoque dans son ouvrage : Sociologies religieuses.
Exposé lors de la journée de l’Institut de géostratégie. Paris. Assemblée Nationale. Organisateur : Ali Rastbeen ? 22 novembre 2012.
Les mouvements antisectes et les gouvernements qui les ont relayés au plan officiel pendant ces trois dernières décennies ont utilisé de nombreux arguments pour justifier leur combat. Certains ont été abandonnés et remplacés par de nouveaux. D’autres sont récurrents. Pour mémoire, dans les groupes religieux minoritaires on trouverait : des captations d’héritage, une inégalité des hommes et des femmes, l’impossibilité de quitter le mouvement (qui serait en quelque sorte une prison physique ou mentale), l’hypnose des adeptes, la soumission à un gourou tyrannique et avide de pouvoir, d’argent ou de femmes, la destruction des familles, la manipulation mentale, des mauvais traitements infligés aux enfants, le non-respect des Droits de l’homme, le non-respect des Droits de l’enfant, le non-respect de l’obligation scolaire, l’exercice illégal de la médecine.
Par le blogueur ARTE
Régis Dericquebourg est maître de conférences en psychologie sociale à l’université Charles-de-Gaulle à Lille et membre du groupe de sociologie des religions et de la laïcité au CNRS. Il explique que les sectes les plus dangereuses ne sont pas forcément celles que l’on croit.
D’où vient votre intérêt pour les sectes ?
J’ai rédigé la première thèse française sur les Témoins de Jéhovah à une époque où personne en dehors de quelques scientifiques comme Henri Desroche et Jean Séguy, qui fut mon directeur de thèse puis mon directeur de recherche jusqu’à la fin de sa vie, ne se préoccupait du phénomène des groupes religieux minoritaires. En fait, l’étude d’un mouvement religieux s’arrête rarement à la description de celui-ci.
Récemment, Laurie Larvent a soutenu une thèse volumineuse sur un mouvement rival des Témoins de Jéhovah, mais issu du même tronc. Il voulait, en tant qu’historien, reconstituer le passé d’un mouvement jusque là totalement inconnu des sciences religieuses. En même temps, il apportait des éléments nouveaux à l’histoire religieuse du Nord de la France, en partie liée à l’immigration des Polonais venus travailler dans les mines après la Première Guerre mondiale.
Communication faite au colloque consacré à l’étude de la notion de « Manipulation mentale » organisé par le Cesnur France (Centre d’Etudes des Nouvelles religions), le vendredi 25 avril 1997.
Par Régis Dericquebourg
Les associations d’opposants aux sectes ont rassemblé à l’origine des familles dont les enfants avaient renoncé aux études et qui ne donnaient plus de nouvelles parce qu’ils avaient adhéré à un groupe religieux minoritaire. Quand la rencontre était possible, la communication s’avérait difficile. On comprend l’inquiétude que cela suscitait. On comprend aussi qu’elles aient eu envie de se rassembler pour récupérer un des leurs. On comprend aussi que des personnes se soient inquiétées du sort des enfants dans certaines communautés. Rien, pas même une croyance, ne justifie la négligence de soins. Enfin, c’est la règle même d’une société démocratique : des associations peuvent se constituer pour défendre des intérêts légitimes ou pour susciter un débat, Ce fut le cas des libres-penseurs qui, dans le passé, se sont regroupés pour débattre à la fois de la religion et des sectes et mais qui, en défenseur du pluralisme des idées, dénoncent à l’occasion le harcèlement que subissent celles-ci (cf. Mouvements religieux n° 171 – juillet 1994).
Les mouvements d’opposants aux groupes religieux minoritaires auraient pu emprunter la voie du débat d’idées, de la négociation ou de la médiation. Nous saurons peut- être un jour s’ils l’ont tentée et si elle a échoué. L’hypothèse est possible. Nous constatons qu’ils ne le font pas.
Très rapidement, les mouvements d’opposition aux sectes et les groupes religieux minoritaires ont entretenu des relations conflictuelles. Très vite, les premiers ont tenté de comprendre le fait religieux minoritaire c’est-à-dire dans leur vocabulaire : le phénomène des sectes.
Les connaissances universitaires sur la question ont été écartées, peut-être à cause de la difficulté des écrits, peut-être aussi parce que les travaux des sociologues n’étaient pas à la mesure de leur indignation.
Depuis vingt ans on assiste à l’élaboration d’un savoir à propos des sectes sur la base de la condamnation. D’abord, balbutiante, la production semble avoir trouvé son rythme : de temps en temps paraît un ouvrage grand public, un récit autobiographique et maintenant des ouvrages à prétention scientifiques.
Par Régis Dericquebourg
Au terme d’une étude sur la société de la Tour de Garde réalisée entre 1973 et 1979, celle-ci nous apparaissait comme le type même de la secte au sens sociologique, c’est-à-dire non péjoratif.
Nous ne cherchions pas à mettre en évidence le caractère sectaire du jéhovisme. Nous voulions décrire la dynamique sociale d’un groupe qui nous semblait étrange et analyser ses rapports aux institutions. Le fonctionnement interne du mouvement et l’insertion des croyants minoritaires dans la société nous importaient plus que les problèmes de classification. Toutefois, en rassemblant des conclusions partielles, nous repérions un ensemble de caractéristiques qui formaient le tableau de l’idéal-type de la secte que dresse Bryan Wilson en commentant Troeltsch.
La montée des phénomènes religieux dans les quartiers : sens, nature et réalité
Régis DERICQUEBOURG
sociologue, maître de conférence à l’Université Lille IIIPour le sociologue, le mouvement jéhoviste illustre bien le type de la secte et de son évolution (une sortie progressive de la logique sectaire) telle qu’elle a été décrite dans les classiques de la sociologie. Les témoins ne refusent pas que l’on qualifie leur organisation de secte. En revanche, ils réfutent l’usage polémique du mot secte qui sous-entend une supposée dangerosité.
Dans cet article, je définirai le jéhovisme à l’état de secte, je donnerai ensuite un aperçu sur son évolution récente et je décrirai enfm son implantation dans le bassin minier du nord de la France où il a beaucoup recruté. L’analyse des causes de son expansion dans cette région peut, mutatis mutandis, expliquer son recrutement actuel dans les banlieues défavorisées.
Rôle et réception d’un charisme de la vision prophétique au féminin.
Régis Dericquebourg
Paru dans Ces protestants que l’on dit Adventistes. Fabrice Desplan et Régis Dericquebourg (ed.) Paris. L’Harmattan, 2008. 149-175.
Le charisme d’Ellen White considérée comme la fondatrice de l’Adventisme du septième jour peut être envisagé dans une double perspective. La première s’interroge sur le rôle du charisme visionnaire d’ Ellen White Ad intra. La seconde concerne l’attitude Ad extra envers le charisme porté par une femme. Il m’a paru utile de traiter de ces deux aspects car ce dernier éclaire peut-être la réception du charisme d’ E. White dans l’Adventisme lui-même. L’examen du premier aspect a été fait en grande partie d’une manière pertinente par Anne Marie Topalov[1]. Nous avons tiré partie de sa thèse mais sans reprendre à notre compte ce que l’auteur dit à propos des éléments de gnose que Madame White aurait introduit dans l’Adventisme.
Pour traiter du charisme de Ellen White et du charisme au féminin, je vais d’abord mettre l’accent sur le lien entre les femmes et le christianisme puis j’évoquerai les femmes « peu ordinaires » dans le christianisme car c’est en tant que chrétienne et porteuse d’un don extraquotidien qu’elle revendique sa mission, puis j’aborderai le rôle du charisme de Ellen White et enfin je traiterai de la réception des charismes au féminin. Pour ce dernier aspect, je revisiterai ma contribution aux Actes du Colloque organisé par F. Lautman et J. Maître parus sous le titre : Ni Eve, Ni Marie[2].
by Régis Dericquebourg (“Religions, laïcités, Sociétés” CNRS – University Charles De Gaulle-Lille3, France)
A paper presented at the 2008 International Conference, London, UK. Preliminary version.
In this communication, we will examine the idea according to which “marginal” spiritual movements are makeshift variations on a tradition and that those who follow them are DIY artists. From our point of view, what have been qualified as DIY are in fact specific systems of belief, in particular Gnosticism. Our comments concern groups that are classified within the appellation ‘New Age’.
The idea of a connection between New Age and gnosis is not a new one. It is to be found in a certain number of texts and from this point of view we refer to the book by Massimo Introvigne[1]. The author mentions the presence of gnosis in New Age ideology in the form of elements of theosophy or in the form of an element of Gnostic Christianity even though he asserts (p. 11)) that New Age cannot be reduced to gnosis. It is a fair comment as New Age is multi-faceted. It’s true that since its creation, for example, new psychotherapies have been included in it, that are not part of traditional psychology, even if they are practiced by university-trained psychologists. Claude Rivière[2] also points out the presence of an esotericism alongside reinterpretations of shamanism in New Age. The relationship between the latter and gnosis was also evident to the sociologist Jean Séguy because he suggests calling these movements: sapienzo-gnostic networks – thus showing his connections with the doctrines of wisdom and Gnosticism.
Par Régis Dericquebourg
Les mouvements anti-sectes et les gouvernements qui les ont relayés au plan officiel pendant ces deux dernières décennies ont utilisé de nombreux arguments pour justifier leur combat. Certains ont été abandonnés et remplacés par de nouveaux, d’autres sont récurrents. Pour mémoire, dans les groupes religieux minoritaires, on trouverait : des captations d’héritage, une inégalité entre les hommes et les femmes, l’impossibilité de sortir du mouvement, l’hypnose des adeptes, la soumission à un gourou tyrannique avide de pouvoir, d’argent et de femmes, la destruction des familles, le lavage de cerveau, la manipulation mentale, des mauvais traitements infligés aux enfants1, le non-respect des droits de l’homme, le non-respect des droits de l’enfant, le non-respect de l’obligation scolaire, l’exercice illégal de la médecine.
Les groupes religieux minoritaires seraient le cheval de Troie des États-Unis en France. Ils infiltreraient les entreprises, le monde politique, l’école, les administrations… Il faut ajouter à ceux-ci, les arguments spécifiques de quelques professionnels comme les médecins, les psychologues et les psychanalystes. Ces derniers, en appliquant une grille d’interprétation issue de leur psychopathologie et de leur psychologie collective sur quelques choses lues et entendues dans les médias, transcrivent le plus souvent, au lieu de l’analyser, la vulgate anti-secte du moment2 dans un vocabulaire d’experts.
Les mouvements anti-sectes et les gouvernements qui les ont relayés au plan officiel pendant ces deux dernières décennies ont utilisé de nombreux arguments pour justifier leur combat. Certains ont été abandonnés et remplacés par de nouveaux, d’autres sont récurrents. Pour mémoire, dans les groupes religieux minoritaires, on trouverait : des captations d’héritage, une inégalité entre les hommes et les femmes, l’impossibilité de sortir du mouvement, l’hypnose des adeptes, la soumission à un gourou tyrannique avide de pouvoir, d’argent et de femmes, la destruction des familles, le lavage de cerveau, la manipulation mentale, des mauvais traitements infligés aux enfants1, le non-respect des droits de l’homme, le non-respect des droits de l’enfant, le non-respect de l’obligation scolaire, l’exercice illégal de la médecine. Les groupes religieux minoritaires seraient le cheval de Troie des États-Unis en France. Ils infiltreraient les entreprises, le monde politique, l’école, les administrations… Il faut ajouter à ceux-ci, les arguments spécifiques de quelques professionnels comme les médecins, les psychologues et les psychanalystes. Ces derniers, en appliquant une grille d’interprétation issue de leur psychopathologie et de leur psychologie collective sur quelques choses lues et entendues dans les médias, transcrivent le plus souvent, au lieu de l’analyser, la vulgate anti-secte du moment2 dans un vocabulaire d’experts.
Un document intéressant : la quête de guérison.
Médecine et religion face à la souffrance (sous la direction de Michel Meslin, alain Proust et Ysé Tardan-Masquelier), Paris, Bayard, 2006.
La quête de guérison publié en 2006 évoque les Églises de guérison dans quelques paragraphes rédigés par Michel Meslin plusieurs années après la publication de mes ouvrages et de mes articles dont on trouve des témoignages dans ce blog sous la forme de contributions à Gestion religieuse de la santé et à Convocations thérapeutiques du sacré.
Les constatations que fait Michel Meslin et que nous reproduisons ici rejoignent les miennes et ce sans avoir lu mes livres et mes articles (sinon, il m’aurait cité).
Je me félicite de ce recoupement d’idées surtout venant d’un savant. Ce n’est certes pas un critère de vérité, mais j’y trouve un encouragement.
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