Sociologue des nouvelles spiritualités
Communication faite au colloque consacré à l’étude de la notion de « Manipulation mentale » organisé par le Cesnur France (Centre d’Etudes des Nouvelles religions), le vendredi 25 avril 1997.
Par Régis Dericquebourg
Les associations d’opposants aux sectes ont rassemblé à l’origine des familles dont les enfants avaient renoncé aux études et qui ne donnaient plus de nouvelles parce qu’ils avaient adhéré à un groupe religieux minoritaire. Quand la rencontre était possible, la communication s’avérait difficile. On comprend l’inquiétude que cela suscitait. On comprend aussi qu’elles aient eu envie de se rassembler pour récupérer un des leurs. On comprend aussi que des personnes se soient inquiétées du sort des enfants dans certaines communautés. Rien, pas même une croyance, ne justifie la négligence de soins. Enfin, c’est la règle même d’une société démocratique : des associations peuvent se constituer pour défendre des intérêts légitimes ou pour susciter un débat, Ce fut le cas des libres-penseurs qui, dans le passé, se sont regroupés pour débattre à la fois de la religion et des sectes et mais qui, en défenseur du pluralisme des idées, dénoncent à l’occasion le harcèlement que subissent celles-ci (cf. Mouvements religieux n° 171 – juillet 1994).
Les mouvements d’opposants aux groupes religieux minoritaires auraient pu emprunter la voie du débat d’idées, de la négociation ou de la médiation. Nous saurons peut- être un jour s’ils l’ont tentée et si elle a échoué. L’hypothèse est possible. Nous constatons qu’ils ne le font pas.
Très rapidement, les mouvements d’opposition aux sectes et les groupes religieux minoritaires ont entretenu des relations conflictuelles. Très vite, les premiers ont tenté de comprendre le fait religieux minoritaire c’est-à-dire dans leur vocabulaire : le phénomène des sectes.
Les connaissances universitaires sur la question ont été écartées, peut-être à cause de la difficulté des écrits, peut-être aussi parce que les travaux des sociologues n’étaient pas à la mesure de leur indignation.
Depuis vingt ans on assiste à l’élaboration d’un savoir à propos des sectes sur la base de la condamnation. D’abord, balbutiante, la production semble avoir trouvé son rythme : de temps en temps paraît un ouvrage grand public, un récit autobiographique et maintenant des ouvrages à prétention scientifiques.
Par Régis Dericquebourg
Au terme d’une étude sur la société de la Tour de Garde réalisée entre 1973 et 1979, celle-ci nous apparaissait comme le type même de la secte au sens sociologique, c’est-à-dire non péjoratif.
Nous ne cherchions pas à mettre en évidence le caractère sectaire du jéhovisme. Nous voulions décrire la dynamique sociale d’un groupe qui nous semblait étrange et analyser ses rapports aux institutions. Le fonctionnement interne du mouvement et l’insertion des croyants minoritaires dans la société nous importaient plus que les problèmes de classification. Toutefois, en rassemblant des conclusions partielles, nous repérions un ensemble de caractéristiques qui formaient le tableau de l’idéal-type de la secte que dresse Bryan Wilson en commentant Troeltsch.
Par Régis Dericquebourg
Les mouvements anti-sectes et les gouvernements qui les ont relayés au plan officiel pendant ces deux dernières décennies ont utilisé de nombreux arguments pour justifier leur combat. Certains ont été abandonnés et remplacés par de nouveaux, d’autres sont récurrents. Pour mémoire, dans les groupes religieux minoritaires, on trouverait : des captations d’héritage, une inégalité entre les hommes et les femmes, l’impossibilité de sortir du mouvement, l’hypnose des adeptes, la soumission à un gourou tyrannique avide de pouvoir, d’argent et de femmes, la destruction des familles, le lavage de cerveau, la manipulation mentale, des mauvais traitements infligés aux enfants1, le non-respect des droits de l’homme, le non-respect des droits de l’enfant, le non-respect de l’obligation scolaire, l’exercice illégal de la médecine.
Les groupes religieux minoritaires seraient le cheval de Troie des États-Unis en France. Ils infiltreraient les entreprises, le monde politique, l’école, les administrations… Il faut ajouter à ceux-ci, les arguments spécifiques de quelques professionnels comme les médecins, les psychologues et les psychanalystes. Ces derniers, en appliquant une grille d’interprétation issue de leur psychopathologie et de leur psychologie collective sur quelques choses lues et entendues dans les médias, transcrivent le plus souvent, au lieu de l’analyser, la vulgate anti-secte du moment2 dans un vocabulaire d’experts.
Les mouvements anti-sectes et les gouvernements qui les ont relayés au plan officiel pendant ces deux dernières décennies ont utilisé de nombreux arguments pour justifier leur combat. Certains ont été abandonnés et remplacés par de nouveaux, d’autres sont récurrents. Pour mémoire, dans les groupes religieux minoritaires, on trouverait : des captations d’héritage, une inégalité entre les hommes et les femmes, l’impossibilité de sortir du mouvement, l’hypnose des adeptes, la soumission à un gourou tyrannique avide de pouvoir, d’argent et de femmes, la destruction des familles, le lavage de cerveau, la manipulation mentale, des mauvais traitements infligés aux enfants1, le non-respect des droits de l’homme, le non-respect des droits de l’enfant, le non-respect de l’obligation scolaire, l’exercice illégal de la médecine. Les groupes religieux minoritaires seraient le cheval de Troie des États-Unis en France. Ils infiltreraient les entreprises, le monde politique, l’école, les administrations… Il faut ajouter à ceux-ci, les arguments spécifiques de quelques professionnels comme les médecins, les psychologues et les psychanalystes. Ces derniers, en appliquant une grille d’interprétation issue de leur psychopathologie et de leur psychologie collective sur quelques choses lues et entendues dans les médias, transcrivent le plus souvent, au lieu de l’analyser, la vulgate anti-secte du moment2 dans un vocabulaire d’experts.
Par Régis Dericquebourg
D’une manière générale, la religion et la santé sont liées. Une simple mise en perspective le montre. Dans l’Antiquité grecque, les soins étaient placés sous les auspices d’Asclépios, dieu de la médecine, devenu Esculape chez les Romains La médecine unani proche de l’Islam a ses praticiens (Hahim) (Kakar, 1997) et ses lieux de pèlerinage pour les malades. Dans ses récits de voyage (1347), Ibn Battuta décrit les guérisons de paralytiques près du tombeau dAli (Battuta, 1982).
Les spiritualités asiatiques, bouddhisme et hindouisme, proposent une extinction des souffrances et développent urne médecine liée à leurs croyances comme la médecine Yan-Ji qui est à la confluence de la biomédecine et de trois traditions religieuses : le confucianisme, le bouddhisme et le taoïsme.
On trouve aussi dans leurs marges des guérisseurs-médiums et invocateurs de déesses spécialisées dans un type de maladie. Les pasteurs protestants peuvent faire l’imposition des mains aux personnes souffrantes. Chez les catholiques, on trouve le pèlerinage de Lourdes, les messes et les prières pour les malades1, l’onction des malades dont le pape a rappelé, il y a peu de temps, l’importance2.
On trouve aussi les dévotions populaires aux saints guérisseurs dans le catholicisme romain mais aussi dans l’orthodoxie puisqu’il n’est pas rare de trouver dans ses chapelles et ses églises des figurines représentant un organe laissé en remerciement de sa guérison. Aux marges du protestantisme et du catholicisme, on trouve des mouvements pentecôtistes et charismatiques centrés sur le don de guérison (Laurentin, 1974 ; Mac Nutt, 1974 et 1977, Csordas, 1997 ; Mac Guire, 1982 ; Cox, 1995).
Louis Hourmant nous rappelle que dans la tradition religieuse japonaise « les pratiques de guérison apparaissent comme fortement présentes, tant dans le fond chamanique que dans les religions établies et dans les nouvelles religions ». Parmi ces dernières, Mahikari et la Sokka Gakkaï (Hourmant, 1999) ont des « préoccupations de santé ».
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Régis Dericquebourg
La France est probablement, avec la Chine, un des pays qui luttent le plus intensément contre les non-conformismes religieux et, par contagion, contre les nouvelles thérapies et les médecines alternatives soupçonnées d’entraîner les patients vers les sectes. Les attaques n’épargnent pas les universitaires qui travaillent sur ce terrain1.
Les membres des groupes religieux minoritaires, les médecins alternatifs, les psychothérapeutes subissent des attaques brutales : délations, diffamations, licenciements2.
Dans les domaines où la concurrence est vive (la formation continue, l’action éducative sur le terrain3, les affaires, la vie professionnelle4, l’Université), l’arme de la délation sectaire — vraie ou diffamatoire, via la rumeur ou via les ligues anti-sectes — est utilisée. S’y ajoutent les harcèlements administratifs et fiscaux envers les mouvements religieux listés dans le Rapport Guyard-Gest (Les témoins de Jéhovah, le Mandarom, Invitation à la vie, l’Église évangélique de Besançon). Dans l’ensemble, la presse et une large partie des Français trouvent cela normal5. Seule la loi About-Picard, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale française6, et qui permettra l’éradication des groupes religieux minoritaires en France, a suscité des indignations car le délit de manipulation mentale (inspiré du délit de plagio7) qu’elle instaure sera applicable aux Églises établies et à des organisations profanes.
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